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FFDE Retilin : un film sur la maladie, la dépendance et l’acceptation

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  • campus Lyon
  • thème Courts métrages
  • date 04.06.2025

Retilin, réalisé par Charlotte Ampilhac

En dernière année, les étudiants de CinéCréatis réalisent, en équipe, un film de fin d’études. Retilin, réalisé par Charlotte Ampilhac, nous livre un drame profondément humain, centré sur l’intime, le corps, et l’émotion. Le film suit Sylvain, un homme de 72 ans, confronté à une annonce bouleversante : il va perdre la vue et dire adieu à l’un de ses sens les plus essentiels, alors que sa fille s’apprête à devenir mère. Cette coïncidence, à la fois cruelle et symbolique, devient le point de départ d’un cheminement intérieur intense, celui de l’acceptation d’une perte irréversible.

© Enora BLANCHET

Dépendance : atteinte à la dignité, à la liberté

Tourné du point de vue de Sylvain, le film adopte une approche monofocale rare, donnant à voir, et surtout à ressentir, ce que traverse un homme dont le monde bascule. À travers des plans subjectifs, le spectateur est littéralement invité à entrer dans la peau du personnage. La caméra épouse ses perceptions, altérées progressivement par la maladie, et met en lumière son quotidien bouleversé, sa lutte intérieure, sa solitude, mais aussi ses résistances.

Charlotte Ampilhac s’attache à montrer comment, après une vie d’indépendance, on apprend, ou on tente, à accepter l’aide des autres. Et cette aide, même lorsqu’elle est bienveillante, peut être perçue comme une atteinte à la dignité, à la liberté. L’histoire explore avec justesse les tensions familiales que cette évolution engendre : sa fille veut anticiper, organiser, prévoir. Sylvain, lui, préfère nier, chercher à éradiquer le problème, refuser la dépendance.

© Enora BLANCHET

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Un regard sensible sur le handicap

Ce film n’est pas seulement une fiction, c’est aussi le fruit d’un travail documentaire. Afin de coller au plus près de la réalité, la réalisatrice et son équipe ont mené une recherche approfondie, en collaboration avec plusieurs associations et structures spécialisées dans la déficience visuelle. Ce soin du détail se ressent dans chaque scène, dans chaque silence.

Charlotte Ampilhac accorde une attention particulière à la mise en scène des sens. Privé de la vue, Sylvain réapprend à appréhender le monde par le toucher, l’ouïe, les odeurs. Des plans rapprochés sur les mains, les objets, les yeux, viennent traduire cette sensorialité nouvelle. Le montage, volontairement lent par endroits, reflète le ralentissement de son quotidien, la frustration d’un corps qui ne suit plus. Les couleurs évoluent aussi, traduisant l’état émotionnel du personnage, les phases de sa maladie, les étapes de son acceptation.

© Enora BLANCHET

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L’acceptation comme processus de deuil

Au-delà de la cécité, c’est bien le thème de l’acceptation qui est au cœur du film. Accepter de perdre une capacité, accepter l’aide d’autrui, même de sa propre famille. Ce processus s’apparente à un véritable deuil : déni, colère, acceptation, reconstruction. Sylvain passe par ces étapes, parfois dans la confusion, parfois dans la résistance. Et c’est dans la relation avec sa fille, ambivalente, tendre, douloureuse, que se joue ce drame intime.

La réalisatrice cherche à capter cette difficulté que l’on a à dire les choses, même à ceux qu’on aime. Par des silences, des regards, des gestes, elle donne corps à ces émotions que les mots n’arrivent plus à traduire.

© Enora BLANCHET

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Un film accessible et engagé

Consciente des enjeux d’accessibilité, Charlotte Ampilhac prévoit également une version adaptée aux personnes malvoyantes. Une démarche cohérente avec l’esprit du film, qui parle de ceux qu’on ne voit pas assez à l’écran, de ce qu’on n’entend pas assez dans nos sociétés : la fragilité, la dépendance, et la puissance des liens familiaux.

Avec ce film, Charlotte Ampilhac signe une œuvre touchante, pudique et engagée, qui interroge notre rapport à l’autonomie, à la maladie, mais surtout à l’amour. Un voyage sensible au cœur de la perte… et de la reconstruction.

© Enora BLANCHET

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