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Nolan Corlay, Cinéaste

nolan corlay alumni
  • métier Cinéaste
  • promotion 2021

Nolan Corlay, du plateau à l’algorithme : faire du cinéma une expérience de recherche 

Ancien étudiant de CinéCréatis Nantes, Nolan Corlay appartient à cette nouvelle génération de cinéastes qui interrogent la frontière entre art et technologie. Avec Inis Oppidum, co-réalisé aux côtés de Maxence Bossé, ancien étudiant lui aussi, il signe un court-métrage de science-fiction ambitieux mêlant prises de vues réelles et images générées par algorithme. Une œuvre poétique et réflexive, née sur les bancs de l’école, qui questionne notre rapport à l’intelligence artificielle et la place de l’humain dans un monde façonné par la machine. 

Trouver sa voie dans l’image 

 Nolan Corlay n’a pas suivi une ligne droite. Avant le cinéma, il y a eu un premier cursus en marketing-communication et une aventure entrepreneuriale dans l’événementiel avec Superboom. « Ça me plaisait sans vraiment me correspondre. En parallèle, j’avais créé une asso qui marchait bien. » De fil en aiguille, il se rapproche de l’image. Il choisit CinéCréatis à Nantes, juste après la période Covid. « Je voulais rester à Nantes. J’ai fait plusieurs portes ouvertes. À CinéCréatis, j’ai senti qu’on voyait un peu de tout sur trois ans. Je n’étais pas encore décidé, ça m’allait bien d’explorer. » 

 Très vite, il s’oriente vers la postproduction, presque à rebours de son intention initiale. « La post-prod, au début, c’était la partie qui m’intéressait le moins. » Le terrain va le contredire. Il réalise l’un des TD incrustés, sous la supervision de Frédéric Michaud. « Frédéric a été essentiel. Il écoutait, il laissait tenter des choses différentes, mais avec l’exigence du “bien fait”. Ça m’a donné confiance. » Il rappelle l’importance du réseau formé à l’école et de l’accompagnement par les intervenants. « Le projet dont je parle est né à CinéCréatis en dernière année. Sans des gens qui voulaient faire du ciné, il n’aurait pas existé. » 

 

L’intelligence artificielle comme matière de création 

Ce projet, c’est un film co-réalisé qui va prendre une ampleur inattendue. L’écriture commence il y a trois ans, avant l’explosion médiatique de l’IA générative. « On parlait déjà d’intelligence artificielle, mais avant l’effet ChatGPT. Quand c’est sorti, on a eu un coup de projecteur. Des amis prod nous ont aidés à monter des dossiers, l’équipe est passée de cinq à sept, puis douze, quarante, cent. » L’ampleur impose des choix. Après un stage de fin d’études, il refuse un CDI pour garder de la latitude. « Il fallait gérer une équipe d’une centaine de bénévoles. J’ai pris un travail plus flexible, type office manager, pour pouvoir passer des coups de fil, coordonner, tenir la barque. » 

 Le film assume un parti pris formel et un commentaire sur son époque. « Plus le personnage se lie à l’IA, plus le médium change. On passe de la prise de vue réelle à une animation algorithmique. » Pas question d’utiliser des banques d’images ni des modèles opaques. « L’IA, je l’ai codée moi-même à partir d’une base de données fermée. Notre dessinatrice a fourni des dessins. On a créé notre dataset avec des photos de nos comédiens. L’idée était d’être respectueux des artistes et des techniciens. » Le pipeline technique, il le reprend plusieurs fois, au rythme des avancées logicielles. « Deux mois avant la sortie, une nouvelle version vidéo arrivait avec des résultats bluffants. On a décidé de ne pas tout refaire. On voulait assumer les défauts de l’IA à l’écran. » Le tournage sur fond vert, la conversion en animation, les couches de compositing ensuite. « Je refuse les outils clé en main où l’on tape une phrase et l’image tombe. Je personnalise mes workflows, j’associe toujours des techniques de post-prod. Je veux que ça me ressemble. » 

Sur le fond, Nolan n’est ni technophobe ni naïf. « On ne peut pas faire l’autruche. Ces outils sont trop efficaces pour qu’on les ignore. » Il pose des garde-fous. « Le problème, c’est que l’IA permet des résultats acceptables très vite. La tentation, c’est de s’arrêter à 80 %. En tant qu’artiste, atteindre les 100 % demande du contrôle. J’ai peur d’une baisse de l’exigence moyenne. » Il insiste sur la responsabilité d’usage. « L’IA doit améliorer le travail, pas le remplacer. » 

 L’avant-première a lieu en mai 2025. Depuis, le film circule. « On est en pleine campagne festivals. On fait des conférences, on intervient en écoles, on projette à Nantes, on prépare d’autres dates. Le film vit très bien. On a facilement deux ans d’exploitation. » Le binôme artistique s’ouvre à la recherche et aux idées. « Mon co-réalisateur a écrit un essai de philosophie de la technique qui accompagne le film. On aime confronter le geste cinématographique à d’autres disciplines. » 

 

Une vision du métier fondée sur l’écoute et la technique 

 

Sa vision du métier tient en trois mots. Technique, écoute, vision. « Le cinéma n’est pas qu’un art. C’est aussi de la technique et de la gestion d’équipe. On ne fait pas un découpage efficace si on ne comprend pas une caméra ou les contraintes VFX. » 

 Le deuxième pilier, c’est l’humain. « L’écoute est non négociable. Un projet est long et fatigant. Chacun a ses moments faibles. Il faut que les gens se sentent assez à l’aise pour dire “ce que tu veux n’est pas faisable, voilà une alternative cohérente”. »  

 Le troisième pilier, c’est la cohérence d’ensemble. « Le rôle du réalisateur, c’est de porter une vision et de la rendre partageable. Chacun n’a qu’un morceau du puzzle. À nous d’expliquer le tableau. » 

 Il parle d’avenir avec lucidité. « Aujourd’hui, je ne vis pas encore de mes réalisations. L’objectif est simple. En vivre dans cinq ans. » Il sait ce que cela implique. « Faire des films dont on est fier, qui nous ressemblent, tout en gardant notre intégrité artistique. » Le confort d’une publicité bien payée ne le fait pas fantasmer. « Je ne dénigre pas. Je veux surtout rester aligné. » 

 Aux étudiants qui débutent à CinéCréatis, il donne un conseil sobre. « Soyez curieux. Écoutez-vous. Acceptez de douter. L’ego est l’ennemi de la création. Les bons projets sont des conglomérats d’idées portées par des personnes talentueuses. Tout n’est pas bon à prendre, mais il y a du bon chez chacun. »