Sentence : un cri de justice et de vengeance au cinéma

« Fais attention. » Cette phrase, Clara Pastour l’a entendue toute sa vie. Pourtant, ni elle, ni sa mère, ni ses sœurs n’ont pu échapper aux violences qui frappent les femmes avec une constance effrayante. Agressions, abus, viols : chaque femme qu’elle connaît a une histoire sombre à raconter. C’est de cette réalité brutale qu’est né Sentence, un film à la frontière entre le drame et le thriller, un exutoire cinématographique où la justice prend une autre forme.

Au cœur de Sentence réside l’histoire d’Eugénie, la sœur aînée de Clara. Violée à 13 ans, puis à nouveau à 18 ans, elle n’a jamais pu obtenir justice. Sa vie a été marquée par la psychiatrie, la toxicomanie, l’autodestruction. Clara a longtemps tenté d’écrire son histoire, sans succès. Ce n’est qu’après des années qu’elle comprend qu’elle ne pourra jamais retranscrire les émotions de sa sœur, mais qu’elle peut raconter ce qu’elle, en tant que témoin impuissante, a ressenti : tristesse, peur, rage, révolte.

Ainsi est née Sentence, un film de justice et de vengeance, éthiquement difficile à accepter, mais viscéralement nécessaire.

Le film plonge un homme dans une situation cauchemardesque : réveillé blessé dans un parking désert, sans souvenirs ni affaires, il tente de comprendre ce qui lui arrive, s’enfonçant toujours plus profondément dans le piège qui lui a été tendu. À travers ce scénario, Clara Pastour inverse les rôles, interroge la notion de justice et explore un fantasme de revanche qui habite tant de victimes laissées sans réponses.

Tourné dans des conditions difficiles – obscurité oppressante, espace clos, tension psychologique constante – le film a marqué les esprits. Pour Clara, c’était une épreuve intense, mais libératrice : « Pour une des rares fois de ma vie, je savais où j’allais et je me sentais à ma place. »

L’actrice Nina Rabinowitz, qui incarne Jade, un personnage inspiré de la réalisatrice et de ses sœurs, s’est totalement investie : « J’ai pris le temps de construire sa vie passée, avant, pendant et après l’événement tragique, pour qu’au moment du tournage, elle et moi ne fassions plus qu’une. »

De son côté, Marek Recoursé, qui joue Arthur, a été bouleversé par les histoires des femmes qu’il aime et qui ont subi des agressions. « J’ai voulu participer à ce projet pour essayer de comprendre et de compatir davantage. »

Sentence s’appuie sur des chiffres glaçants : chaque année en France, 93 000 femmes déclarent avoir été victimes de viol ou tentative de viol, et dans 90 % des cas, elles connaissent leur agresseur. Pourtant, moins de 2 % des affaires aboutissent à une condamnation. Un crime si destructeur, mais si peu puni : comment ne pas ressentir une colère profonde face à cette impunité ?

À travers Sentence, Clara Pastour ne prétend pas apporter de solution, mais elle pose une question dérangeante : que faire quand la justice ne fait pas son travail ? Loin d’être un simple thriller, son film est un cri, un acte de résistance, une manière de redonner une voix à celles qui ont été réduites au silence.